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L’agro-voltaïque

21 Déc, 2020

Question de Rachel Sobry à Willy Borsus, Ministre de l’Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences: “L’agro-voltaïque”

Rachel Sobry (MR) – Fin octobre, un reportage du JT de la RTBF abordait, dans le cadre de la campagne électorale américaine, le sujet de l’agro-voltaïque.

L’agro-voltaïque est un projet alliant l’agriculture et le développement durable afin de permettre aux producteurs d’avoir des rendements tout en respectant l’environnement. Il consiste en un placement de panneaux photovoltaïques quelques mètres au-dessus de cultures afin de former une sorte de canopée permettant une alternance de zones d’ombres et de zones d’ensoleillement.

L’agro-voltaïque s’est ainsi développé petit à petit, dans différents états américains afin de lutter contre le réchauffement climatique tout en garantissant une agriculture de qualité. Il est actuellement en plein essor en Amérique du Nord où les changements climatiques que subissent certaines régions déjà arides poussent les agriculteurs à franchir le pas.

Certaines plantes, comme les légumes, sont particulièrement sensibles aux fortes chaleurs et à une longue exposition au soleil. L’agro-voltaïque pourrait donc changer la donne dans certains lieux particulièrement exposés.

Cette technique pourrait bénéficier à l’ensemble du secteur agricole dans le monde, eu égard aux changements climatiques. En effet, le système allie le placement de nombreux panneaux solaires et la conservation de terres fertiles. Cela donne également l’opportunité aux agriculteurs de diversifier leurs revenus via les ressources produites par les panneaux solaires.

En outre, les besoins en irrigations sont nettement moins importants avec une terre partiellement ombragée.

Bien que l’on ne puisse pas encore qualifier le climat belge de climat aride, le changement climatique est particulièrement sensible dans notre pays où chaque année la sécheresse fait des dégâts.

Rappelons enfin que, selon la Déclaration de politique régionale, le Gouvernement wallon entend promouvoir l’agriculture durable. Il souhaite également soutenir les innovations dans le milieu et, en particulier, les innovations qui préservent l’environnement et anticipent les changements climatiques.

Quel est l’avis de Monsieur le Ministre sur le sujet ?
Pense-t-il que l’agro-voltaïque mériterait d’être développé en Wallonie ?
A-t-il déjà connaissance d’initiatives semblables à celle décrite ici ?
A-t-il pu s’entretenir avec des agriculteurs wallons qui sont demandeurs ou qui pratiquent déjà des techniques permettant de préserver l’environnement ?
Enfin, quelles sont les prospections pour la Wallonie en termes d’innovations qui préservent l’environnement et anticipent les changements climatiques ?

Willy Borsus, Ministre de l’Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences – Comme l’honorable membre l’indique dans sa question, les conditions climatiques wallonnes ne sont pas celles d’une partie des États-Unis ou du sud de l’Europe.

Si ces dernières années, les épisodes de sécheresse ont effectivement tendance à se répéter, nous n’en sommes pas encore à un climat semblable à ceux de ces pays.

Gardons en tête que le panneau photovoltaïque produit une ombre en permanence. Il est donc bien utile en cas de fort ensoleillement, mais l’est beaucoup moins lorsque la luminosité est faible, par exemple en cas de ciel nuageux ce qui reste fréquent dans nos contrées.

À ma connaissance, aucune étude n’a été réalisée sur le long terme en Wallonie sur le bénéfice à espérer de cette technique. Théoriquement, grâce à l’ombrage, ce sont les gains liés à l’effet anti-transpirant qui devraient compenser les pertes durant les entre saisons sur la plupart des cultures en rotation, même en maraîchage. Néanmoins, chez nous, pour bon nombre de cultures, l’ensoleillement est plus un facteur limitant que la disponibilité en eau.

D’autre part, il y a suffisamment de bâtis pour y installer les panneaux. L’utilisation des bâtiments agricoles, comme support du photovoltaïque, est plus indiquée. Et si l’on souhaite de l’ombre, l’agroforesterie apparaît sans doute comme une solution mieux adaptée.

À première vue, le couplage bétail/photovoltaïque pourrait se montrer plus intéressant en particulier si on le couple à l’exploitation d’un sol pauvre et/ou délaissé. Cela permet de coupler bien-être animal et valorisation de terres peu propices aux cultures. Cela pourrait aussi offrir la possibilité d’utiliser des « écosystèmes propices » pour le redéploiement de l’élevage ovin dans lequel la Wallonie est largement déficitaire. S’il n’est pas possible de tirer bénéfice de cette symbiose, mieux vaut faire du photovoltaïque seul et du phytomanagement seul !

Ceci n’empêche qu’il y a lieu de développer et tester une série de solutions permettant de répondre aux épisodes de sécheresses qui deviennent de plus en plus marqués et de plus en plus réguliers.

Le CRA-W travaille et va travailler sur divers projets pour répondre à ces questions. Cela passe par la sélection de variétés plus résistantes à des périodes de sécheresse, par des méthodes culturales (travaux du sol, couverture, méthodes de désherbages, et cetera) qui assurent une meilleure rétention de l’eau dans le sol et la plante ainsi que par la récupération de certaines eaux usées afin de les utiliser pour de l’irrigation lorsque la disposition des lieux et la proximité des cultures l’autorisent.

Pour en revenir à l’agrovoltaïsme, les conditions climatiques wallonnes ne sont pas celles du sud de l’Europe et l’ensoleillement dans notre région reste davantage un facteur limitant que la disponibilité en eau. En l’état, à l’exception d’un couplage limité « bétail/photovoltaïsme » qui pourrait peut-être se montrer intéressant, le couplage « culture/photovoltaïsme » conduirait certes à protéger des méfaits de la sécheresse, mais augmenterait en revanche l’exposition aux dangers de l’humidité ou du manque d’ensoleillement de façon trop importante. Cette voie n’est donc pas, en l’état actuel, la voie à privilégier en ce qui concerne la production d’électricité photovoltaïque en agriculture.

Sans remettre en cause l’intérêt de cette technique nouvelle, cette question démontre qu’il est nécessaire d’avancer progressivement dans les évolutions phytotechniques et de garder toujours en tête que l’agriculture est et restera un métier qui nécessite de gérer les risques.

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